Nouvelles technologies, nouvelles dépendances

Publié le par FF

Pandémie de l’ère digitale, l’addiction aux nouvelles technologies est la traduction du profond désarroi de nos sociétés toujours plus connectées.

 

Crackberries

Il y aurait actuellement 6 millions d'utilisateurs de BlackBerry. Téléphone mobile, organiseur, BlackBerry permet également, entre autres, de recevoir et rédiger des mails ou se connecter et surfer sur internet. Après les louanges ayant salué ses heureuses fonctionnalités, de nombreuses études s’accordent aujourd’hui autour de son caractère prétendument addictif. Ses utilisateurs passeraient beaucoup trop de temps dessus. Dès 2006, le journal Independent on Sunday arguait que plus d'un tiers d’entre eux, surnommés ‘Crackberries’ en référence au crack, montrait des signes d'addiction comparables aux symptômes de l'alcoolisme. La somme de technologies que ce smartphone réuni le place en effet au carrefour d’une problématique dépassant ses simples fonctions. En reliant continuellement et plus toujours efficacement son possesseur au reste du monde, ce terminal lui permet d’être productif sans limite de lieux ou d’horaire, ce qui occasionne fatalement bouleversements et dérives. Il s’avère ainsi symptomatique d’une société qui, se donnant les moyens perfectionnés d’une hyper compétitivité, nourrit à rebours une dépendance chronique à leurs égards.

 

Tous dépendants

D’après Nielsen - NetRatings, on recense en 2007 près de 3,75 millions d'internautes suisses actifs à domicile contre 32,84 en Allemagne, leader européen en la matière. Selon la tendance, internet est en passe de supplanter le téléphone, fixe ou mobile, en matière de communication privée. La technologie nomade permettant de s’y connecter, de l’ordinateur à carte Wi-Fi au mobile 3G en passant par BlackBerry, explique pertinemment ce phénomène, mais l’essor technique n’escamote-t-il pas d’autres motivations ? En 2007, AOL a conduit un sondage auprès de 4025 américains de 13 ans et plus. Les résultats sont édifiants. 95% des sondés consultent leurs courriels depuis leur lit, 37% en conduisant, 12% à l’église. 15% seulement d’entre eux se déclarent ouvertement dépendants du mail. Le problème prend une telle ampleur qu’en 2006, la ville de Zurich lançait une campagne pour sensibiliser l'opinion à propos du danger des dépendances relevant du monde virtuel.

 

MAIDS

Côté monde du travail, le constat est identique. En 2005, la banque britannique Lloyds TSB, réalisant une étude sur des salariés anglais, révélait que 72% d’entre eux se déclaraient inquiets s’ils ne pouvaient relever leurs mails durant la journée. Elle baptisa cette angoisse ‘Mobile and Internet Dependency Syndrome’ (MAIDS). Récemment, une recherche dirigée par les universités de Glasgow et Paisley, portant sur 200 employés, a établi un ‘stress de l’e-mail’. Cela consiste en une consultation compulsive de sa messagerie : 34% la vérifient toutes les 15 minutes, 64% plus d’une fois par tour de cadran, un petit nombre atteignant une moyenne de 40 relevés à l’heure. En somme, si certains ont une utilisation circonspecte et purement professionnelle des moyens de communication mis à leur disposition, d’autres perdent toute modération.

 

Intoxication au travail

On peut parler d’addiction lorsqu’il y a perte de contrôle. Encore faut-il que celle-ci soit manifeste. Elle est patente dans le cas des workaholics. Ces drogués de travail, victimes de karoshi japonais et de burnout anglo-saxon, s’épuisent parfois jusqu’à la mort. Il en va de même pour les personnes gagnées de game addiction, notamment avec les jeux en ligne massivement multijoueurs (MMORPG). Pour ce qui est de la dépendance aux nouvelles technologies dans la sphère professionnelle, la logique est la même mais les causes différentes. Outre les cas personnels, pathologies qui se seraient révélées d’une manière ou d’une autre, cette dernière semble la résultante d’un chevauchement entre technologie, connectivité et informations. L’étude menée par Day-Timers sur 1000 employés américains indique que ce conflit, source d’égarement, les empêcherait d’atteindre les deux tiers de leurs objectifs quotidiens. A contrario, d’autres recherches évoquent une addiction quasi souhaitée. En 2006, la Rutgers University prévenait que les nouveaux moyens de communication pouvaient générer de véritables addictions au travail. Elle précisait que cette dépendance tend à maintenir les employés à un haut et constant niveau de stress, origine d’affections mentales et physiques. Et d’évoquer de probables futurs procès pour ‘intoxication au travail’.

 

Addict attitude

En 2007, IMC a conduit une enquête auprès d’internautes anglais. Il ressort qu’un sur deux déclarait ne pouvoir survivre à une vie sans mail. 44% de la tranche des 35-44 ans admettaient même qu’un accès à leur messagerie électronique est une composante essentielle de leur vie. Cet assujettissement, délibéré, ne cause finalement de tort qu’à ceux qui s’y adonnent. Considérée sous un angle productif, telle dépendance éclaire différemment la problématique. Une étude menée de la Fondation Suisse Productive avance que les employés helvétiques perdent en moyenne 8,55 millions heures de travail chaque semaine. L'enquête évoque une ‘utilisation trop peu productive des e-mails’. ‘Dans bien des entreprises, la culture managériale n’a pas incité à une utilisation saine des outils électroniques’, commente à ce sujet Bruno Savoyat. Afin d’y remédier, cet expert en gestion du temps donne quelques recommandations. Sortir de la dépendance de sa boite mail nécessite d’organiser ses consultations à raison de deux ou trois par jour. Il convient également de s’astreindre au classement de sa messagerie, et répondre aux courriels sans délais, mais toujours en fonction des priorités. Des conseils pratiques et efficaces, qui, fin du fin, s’appliquent à tous les moyens de communication. Qu’elle soit désirée ou subie, l’addict attitude s’avère en définitive un travers obsédant et toujours contre-productif… mais heureusement curable.

Publié dans Société - Economie

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